LES ÉPISODES EXPÉRIMENTAUX

25 août 2013

Quand "Doctor Who" a fait son retour sur nos écrans en 2005, la série est entrée dans un mode de télévisions très différent de celui qu'elle avait laissé en 1989. Avec des moyens de plus en plus variés et expérimentaux de raconter une histoire maintenant à sa disposition, "Doctor Who" pouvait une semaine montrer un épisode à vaste dimension cinématographique, ce qui aurait été auparavant impossible, avant de diffuser la semaine d'après un épisode à dimension plus intime tournant autour d'un personnage.
  • LINDA
Cet épisode plutôt inhabituel de la saison 2 peut être considéré par beaucoup comme le pire de ce que "Doctor Who" peut offrir. Cependant on peut y trouver plusieurs choses intéressantes.

Tout d'abord, c'est le premier épisode à adopter un schéma narratif non linéaire. Ce que certains ne réalisent pas, et qui pourtant pourrait aider l'épisode à lutter contre ses critiques, c'est que l'essentiel de l'action est simplement une représentation visuelle de ce qu'Elton raconte et donc que les aspects les plus cartoonesques de l'épisode peuvent être interprétés comme une exagération de la part d'Elton.

De plus, l'utilisation d'un narrateur comme élément scénaristique aide à la caractérisation d'Elton, on le perçoit en effet comme un homme qui n'a qu'une compréhension très basique de comment l'univers du Docteur marche.

Les membres de l'association LINDA quant à eux, démontrent le talent de Russell T. Davies à créer plusieurs personnages étonnement bien construit et nuancé en un minimum de temps. On en arrive à s'en faire pour eux jusqu'à être émus face à leur triste sort ou à la façon brutale dont la romance naissante entre Bidget et Mr Skinner prend fin. Comme Elton, ils n'ont qu'une vision assez naïve du mode de vide du Docteur et ne perçoivent pas les dangers qui en font pourtant pleinement partie.

De plus, l'absence du Docteur et de Rose permet au personnage de Jackie de prendre une autre dimension et de gagner en profondeur. On réalise le sacrifice qu'elle a fait en laissant Rose partir avec le Docteur, ce dernier lui enlevant à la fois sa fille et sa meilleure amie. 
  • LES ANGES PLEUREURS
Il est sans doute surprenant que l'un des épisodes les plus acclamés dans l'histoire de "Doctor Who" est l'un des plus atypiques. "Les Anges pleureurs" fait du voyage dans le temps une part active de l'histoire plutôt qu'un simple moyen de transport pour le Docteur.

Structurellement parlant, "Les Anges pleureurs" est une sorte de puzzle dont les pièces auraient été éparpillées un peu partout sur le tapis du salon avant d'être assemblées petit à petit suivant le cours de l'épisode jusqu'au final où tout se met enfin en place de façon quasi mathématique et que Sally remet au Docteur un transcrit de tout ce qu'il dira dans les fameux œufs de Pâques des DVD et tout ce qu'elle lui répondra. 

"Les Anges pleureurs" met en scène un Docteur omniscient, capable d'influencer les évènements même depuis un endroit lointain (géographiquement ou dans le temps), via des messages codés dans des lieux plus ou moins improbables. La raison pour laquelle le Docteur est retenu prisonnier dans le passé et très intelligemment introduite dans le scénario, les Anges pleureurs et leur véritable nature sont révélés petit à petit faisant monter la tension à un rythme régulier et soutenu. Aussi, ces créatures ont laissé un impact non négligeable dans la mémoire des fans, ils revinrent plusieurs fois comme principaux antagonistes ou en cameo. Il est difficile de nier qu'ils sont des créations très originales et de terrifiants adversaires.
  • UN PASSAGER DE TROP
Contrastant avec l'invasion à grande échelle que nous a montrée la saison 4, "Un passager de trop" sort du lot grâce à son approche.

En effet, car presqu'entièrement confiné dans un espace étroit avec un minimum d'effets spéciaux, cette histoire prend des aspects de pièce de théâtre et son ton claustrophobe et tendu a beaucoup en commun avec le thriller psychologique d'Alfred Hitchcock, "La Corde". Comme avec l'épisode "LINDA", Davies fait encore une fois preuve de talent en mettant en scène une variété de personnages bien définis qui interagissent avec le Docteur, partagent avec lui des rires et des anecdotes.

Cependant et contrairement à "LINDA", ces personnages ne restent pas attachants bien longtemps. Une fois Ciel Sylvestry possédée par une entité mystérieuse, ils succombent les uns après les autres à leurs démons. L'épisode donne également aux téléspectateurs un rare aperçu du Docteur dans un état de peur et surtout vulnérable, ce qui a permis à David Tennant de délivrer une superbe performance notamment en forçant les mots hors de sa bouche avec une tension palpable dans la voix créant quelque de bien plus inquiétant que ce qu'aurait apporté une créature en images de synthèse.

Beaucoup du charme de "Un passager de trop" vient de son ambigüité. Nous ne voyons jamais la créature sous sa vraie forme, sa nature et son origine demeure inconnue de même que sa destruction ou non à la fin de l'épisode. De plus rien n'est affirmé quant au rôle de la créature sur la transformation vicieuse et agressive des passagers. Était-ce réellement son influence ou juste une expression de leur véritable nature animale?
  • JAMAIS SEUL
"Jamais seul" est essentiellement fait de quatre pièces liées autour du Docteur et de Clara: le diner romantique quelque peut bizarre de Danny et Clara, le foyer d'accueil de Rupert, le vaisseau spatial d'Orson à la fin de l'univers et la ferme d'enfance du Docteur.

Les évènements qui se produisent à un endroit peuvent avoir des répercussions dans d'autres lieux. Mais bien évidemment actions et conséquences ne se produisent pas nécessairement dans cet ordre. Ce qui semble relier toutes ces musiques serait la présence des créatures que sont les Espionneurs et la détermination quasi obsessionnelle du Docteur à prouver leur existence, une obsession qui causera presque sa perte.

Cependant la fin de l'épisode amène le téléspectateur à remettre en question ce qu'il a vu ... peut-être que ces créatures n'ont jamais existé. Ce qui lie l'épisode, en réalité, est la thématique de la peur irrationnelle et de la paranoïa.
  • DANS LES BRAS DE MORPHÉE
Ce qui ancre cet épisode dans le plan expérimental est le moyen avec lequel l'histoire nous est racontée: le found footage.

Autrement dit un tournage en images filmées par téléphone, ou caméras de surveillances. Une telle structure narrative augmente considérablement l'immédiateté des évènements qui se déroulent sous nos yeux. Une expérience inédite pour le téléspectateur. Quand les personnages courent, le téléspectateur court aussi, quand le Docteur cite Macbeth avec colère il le fait directement face caméra et par extension devant nous. Une situation très étrange même!

La dynamique change cependant au milieu de l'épisode, quand est révélé que nous ne sommes pas en train de regarder un found footage mais qu'en réalité nous voyons en direct ce qu'il se passe au travers des yeux des personnages, leur perspective étant retransmise par la poussière du sommeil.

Bien sûr, cette chute inattendue n'est qu'une simple mise en bouche face au final de l'épisode. Le format du found footage a permis au public d'être partie prenante au récit ce qui ajoute à la chute sombre de l'histoire quand Rassmussen révèle ses véritables intentions et le moyen de mettre son plan en marche. Alors que "Les Anges Pleureurs" se terminait par un conseil du Docteur: "Ne clignez pas des yeux". Cet épisode se termine en justifiant pleinement son titre et le conseil à en tirer: "Ne vous endormez pas".
  • DESCENTE AU PARADIS:
Cet épisode pour le moins magistrale mais un peu long à certain moment, est basé sur un monologue. Le Docteur se retrouve donc le seul antagoniste de l'histoire avec comme accompagnement l'ombre d'une menace.

Durant tout l'épisode, ce sera un Docteur en fuite après le décès de sa compagne, Clara, qu'on découvrira. Cet épisode ayant reçu une côte d'appréciation de 80, fait de cet épisode, une réussite. La structure personnel de l'épisode centré sur le Docteur, nous plonge ainsi dans la tête du personnage tout au long de l'épisode. On pense comme lui, on voit comme lui, on vit comme lui, comme si on y était. On se sent plus proche de l'histoire qu'un épisode normal, comme ce fut le cas "Dans les bras de Morphée".

L'excitation de l'épisode est certe basse, mais en comprenant la suite qui en découle, nous entrons mieux dans la vive compréhension du Seigneur du Temps, et de l'enjeu de cet épisode.
      • EN CLAIR:
Le maintien de l'identité de "Doctor Who" tient aussi au fait que la série peut embrasser une vaste sélection d'idées semaine après semaine, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire. Tel un mariage entre le fan et la série.

Pour conclure, parmi tous ces épisodes il est bien évident que certains ont connu un plus grand succès que d'autres. Mais il ne faut pas perdre de vue que "Doctor Who" est une série mettant en scène une cabine téléphonique piloté par un homme un peu fou à travers le temps et l'espace et qu'une telle série ne peut en aucun cas tomber dans une routine de récits traditionnels.

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Page écrite par Damien Fayemendy